Retour sur l‘exposé de la séquence Anticiper et prédire
Génération, analyse et optimisation de scénarios d’irrigation des cultures, Bruno Cheviron, INRAE
Dans le contexte du changement climatique, il est nécessaire de penser une irrigation déficitaire, car l’eau n’est plus disponible pour obtenir des rendements maximums durablement. L’objectif consiste à favoriser une production fiable. Pour ce faire, il faut convertir les données du problème en problème de données.
Optirrig est un modèle qui permet de générer, analyser et optimiser des stratégies d’irrigation. Il cherche à répondre à l’enjeu de favoriser des stratégies efficientes qui s’adaptent à l’évolution de la tension sur la ressource en France hexagonale. Il s’agit d’un modèle de culture purement mécaniste et relativement parcimonieux en données, mis en œuvre par des stratégies d’irrigation, reproduisant les processus biophysiques influant le rendement se déroulant dans l’atmosphère, le sol et la plante. Ses principes de fonctionnement sont déterministes avec des liens causaux paramétrés, le jeu de paramètre étant lui-même une donnée (critères, doses, contraintes). L’objectif consiste à identifier et évaluer les déterminants du rendement (fonction de production). Toutefois, c’est bien la stratégie d’irrigation qui fait varier éminemment le rendement, bien plus que les autres facteurs tels que les maladies, ou les effets liés à l’azote. Un changement progressif est en cours qui se traduit par une prise en compte de plus en plus importante d’autres indicateurs de performance que le seul rendement.

La production de millions de simulations (en fonction de : (i) scénarios climatiques (GIEC ou Explore 2) ; types de sols/profondeur de sol (RU) ; (ii) de types de méthodes/contraintes d’irrigation ; (iii) de types de cultures irriguées) permet la création d’enveloppes de cas. Ces approches quantitatives et les évaluations statistiques qui en sont tirées peuvent éclairées les politiques publiques (préconisation de stratégies d’irrigation, objectivation de quotas, le tout contextualisé pour servir les négociations entre parties prenantes). Les résultats d’une étude commandée par le ministère de l’Agriculture seront mis à disposition publiquement à l’horizon début 2026.
Quelles méthodes pour la prévision de rendement en grandes cultures, Philippe Stoop, Itk
A l’instar d’autres problématiques, les méthodes employées pour prévoir le rendement en grandes cultures dépendent de l’échelle et des données disponibles. Aujourd’hui, il existe un déséquilibre entre les données d’occupation des sols (données de télédétection et données météorologiques qui accumulent des quantités énormes de données) et les données nécessaires pour caractériser la situation de chaque exploitant et l’état des sols.

Ainsi, pour des préconisations à la parcelle et dans le cas d’utilisateurs à forte compétence agronomique collectant toutes les données nécessaires (en situation d’expérimentation par exemple), les modèles mécanistes sont adaptés et pertinents.
Pour produire des préconisations de collecte à l’échelle régionale, les utilisateurs peuvent là encore recourir à un modèle mécaniste du type Cropwin développé par Itk, mais paramétré en fonction de zonages (microrégions agricoles homogènes) définis par la coopérative ou le négoce concerné (collecter des données parcellaires de manière exhaustive est quasi impossible).
Pour des préconisation de collecte à l’échelle nationale, et dans le cas où l’on ne dispose pas d’information agronomique précise (ex. assureurs, unions nationales de coopératives), la chaîne de traitement combine différentes méthodes : (i) analyse d’image satellite par Deep Learning pour calculer des indices foliaires (cf. cas d’usage EarthDaily Agro) ; (ii) calculs d’indicateurs agro-climatiques qui prennent en compte d’autres facteurs de risque non visibles sur les images via un modèle mécaniste simplifié ; (iii) estimation du rendement via un algorithme en forêt aléatoire intégrant ces deux sources. Pour conclure, en agriculture, il faut utiliser une diversité de données et plusieurs modèles à la fois pour obtenir des résultats fiables.
Simon MOULIERAS, Greenshield
Greenshield propose des prestations et des solutions agronomiques, technologiques et mathématiques pour maîtriser les risques sanitaires en agriculture et plus particulièrement en viticulture. Partant du constant que la création d’hétérogénéité ralentit l’évolution des bioagresseurs, Greenshield s’inspire des stratégies de lutte contre les feux de forêt pour penser le contrôle de la propagation des épidémies, en prenant comme hypothèse que des plantes traitées confèrent une protection aux plantes non traitées voisines. Ainsi Greenshield met en place des stratégies de traitement préventif en « motif anti-percolation » (avec une distribution précise de zones traitées et non traitées), adaptées à la cible, au mode de culture (vignes étroites ou larges), au cycle végétatif et aux moyens de lutte disponibles. Ces motifs permettent de créer des modèles spécifiques pour chaque maladie ou culture, entraînés sur des données d’observation. Ces modèles produisent des scénarios de simulation d’évolution spatiale, intégrant des cartes de préconisation pour une pulvérisation ciblée ou la coupure de tronçons.

La stratégie de gestion des risques est adaptative, ajustée en fonction des moyens de production disponibles (phyto et matériels) et de l’état sanitaire à un instant donné. Elle repose sur des données de référence et des observations ponctuelles, avec pour objectif ultime d’industrialiser la démarche grâce à des données de surveillance complètes spatialisées et historisées. Cela permettrait d’évaluer les effets de la stratégie et de mettre à jour les pratiques de lutte en fonction des conditions de culture. Un outil clé dans cette approche est VineMapper, un capteur embarqué capable de détecter les maladies en temps réel. Ce dispositif permet de créer de nouvelles cartographies de symptômes en identifiant des anomalies sur les feuilles et les grappes de vigne, et ainsi de mettre à jour le modèle de propagation des maladies. L’enjeu est de produire des résultats en temps réel et d’adapter la stratégie de motifs de traitement au fil de l’eau, pour une gestion optimale des risques.
Greenshield a déployé une chaîne complète de traitement dans le cadre du projet MATAE (« mathématiques appliquées pour la transition agroécologique »), testant des solutions en agriculture biologique, biocontrôle, mixte ou phytosanitaires conventionnels sur des cultures comme la betterave, la pomme de terre et la vigne. En termes de commercialisation, VineMapper devrait être disponible dès 2025, tandis que les motifs de traitement ne seront pas commercialisés avant 2027.
Retour d’expérience avec Lucas Subtil, exploitant agricole SCEA DUCHENNE