Développement d’un système de mesure pour mieux caractériser la qualité biologique des sols

Publication

Contexte

Les enjeux de l’agriculture (sécurité alimentaire, réduction de l’impact sur l’environnement, adaptation au changement climatique…) exigent de repenser les systèmes de productions actuels afin de les rendre plus résilients. Cela passe par une préservation des ressources et notamment par une gestion plus durable des sols. Bien qu’ils soient méconnus, les sols remplissent de nombreuses fonctions indispensables aux écosystèmes et aux sociétés humaines (support de la production végétale, maintien de la qualité de l’eau, …) et renferment plus d’un quart de la biodiversité terrestre. Malgré leur importance, les sols subissent des menaces croissantes aboutissant à leur dégradation. Que ce soit pour identifier, prévenir leur dégradation ou les gérer plus durablement, il est nécessaire de développer des outils de surveillance basés sur des systèmes d’acquisition de données innovants. Les attentes sont fortes vis-à-vis de nouveaux capteurs permettant de mieux caractériser la biodiversité des sols, les processus dans lesquels elle est impliquée et les services qu’elle rend afin d’accélérer les transitions agroécologiques. La mise au point de systèmes d’acquisitions doit donc passer par un travail pluridisciplinaire qui associe des connaissances de différentes natures, aussi bien sur l’objet d’étude (le sol, la biodiversité) que sur les technologies numériques.

Dans ce contexte, un projet a été initié par l’Institut Polytechnique UniLaSalle (porteur de l’axe Sol de l’Alliance H@rvest), en collaboration avec l’École nationale supérieure d’ingénieurs de Caen (ENSI Caen), afin de développer un système de mesure innovant pour améliorer la caractérisation de la qualité biologique des sols.

Objectifs

Dans le cadre de ce projet, une revue des capteurs existants, ayant fait leurs preuves ou identifiés comme prometteurs pour l’analyse des variables physico-chimiques du sol et de la biodiversité (faune du sol et micro-organismes), a été réalisée. En parallèle, des pistes ont été proposées pour explorer des signaux encore peu exploités mais potentiellement pertinents dans cette thématique.

Développement du capteur

Un capteur destiné à une utilisation directe sur le terrain, simple à manipuler et apte à quantifier, analyser et identifier les micro-organismes présents dans le sol, a été conçu. Pour favoriser cette utilisation, un design de type « carotte » a été envisagé, permettant une insertion directe dans le sol, avec possibilité de prélèvement d’échantillons. Une longueur minimale de 20 cm a été retenue pour atteindre les couches pertinentes, et un diamètre suffisant a été prévu pour intégrer les composants électroniques. Ceux-ci peuvent également être disposés dans un boîtier externe. Le matériau plastique a été choisi afin de permettre l’impression 3D, réduire les coûts de production et faciliter le remplacement.

Schéma 3D de l’extérieur du capteur

L’impédance a été identifiée comme grandeur physique pertinente, suite à l’analyse des paramètres à caractériser (abondance et diversité). Cette grandeur permet d’évaluer les propriétés électriques du sol (conductivité, permittivité) qui dépendent de sa composition chimique et biologique. L’impédance se mesure en analysant l’opposition du circuit au courant électrique, à travers l’amplitude et le déphasage entre tension et courant, donnant accès aux propriétés résistives et réactives du milieu. Le capteur a été conçu sous la forme d’un peigne interdigité, modélisable par un réseau de condensateurs et de résistances, en référence au modèle de Cole-Cole appliqué aux cellules biologiques. Le passage et le dépôt de micro-organismes sur ces peignes modifieraient alors l’impédance créée par l’ensemble et peut donc être utilisé in situ.

Schéma de principe de la mesure différentielle

Un prototype a été réalisé afin de vérifier sa capacité à détecter les micro-organismes par variations d’impédance. Une tension de 1 Volt, puis de 4 Volts, a été appliquée au peigne afin d’obtenir sa réponse en fréquence. Une goutte d’eau distillée puis une goutte d’eau du robinet ont été déposées pour simuler la présence de micro-organismes. Les courbes obtenues montrent un comportement de type passe-bas.

Diagramme de Bode pour une tension de 4V

Des variations notables ont été observées dans les hautes fréquences. L’analyse de la phase confirme également une réponse différenciée dans cette gamme de fréquence. Il apparaît donc nécessaire d’estimer un ordre de grandeur des impédances associées aux micro-organismes, afin d’adapter la conception du capteur, cibler les fréquences pertinentes, optimiser le rapport signal/bruit et permettre une détection efficace dans les basses fréquences.

Diagramme de phase pour une tension de 4V

Perspectives

Plusieurs axes d’amélioration sont identifiés. L’intégration d’un panneau photovoltaïque pour l’alimentation énergétique, ainsi qu’un système de transmission de données via Bluetooth ou Wifi, permettrait de rendre le capteur autonome et de simplifier son usage sur le terrain. En complément, l’ajout de mesures en hautes fréquences pourrait ouvrir la voie à une détection en surface, offrant une analyse complémentaire des micro-organismes présents dans les couches superficielles.

Modélisation 3D du prototype final du capteur

Ressources

Pour plus de d’informations sur les résultats du projet :

  • Rapport du projet

Présentation des résultats

  • Vidéo illustrant les étapes de conception du capteur

Remerciement

Nos remerciements vont à Noémie Pourchet et Raphaël Toscano étudiants de ENSI Caen, qui ont mené cette étude sous l’encadrement de Matthieu Denoual, Philippe Descamps, Isabelle Gattin, Vincent Rachet et Mahugnon Ezékiel Houngbo